
Il faudra faire avec nous, Lë Agary
Nous accueillons Lë Agary pour une présentation de Il faudra faire avec nous, un manuel de sabotage déguisé en roman ou, plutôt, roman déguisé en manuel de sabotage. Il nous embarque dans les pas et les pensées d’une activiste qui, chaque jour, lutte sur de nombreux fronts pour renverser un monde personnifié par Franck. Un jour trader, le lendemain vigile, préfet ou simple troufion au tonfa, celui-ci incarne le cynisme du capitalisme et sa violence. Au fil des actions et des amitiés qui les constituent, ce récit est rythmé par l’urgence de la révolte et l’exigence d’habiter le monde avec le feu.
Face à l’exacerbation de la répression étatique, ce livre nous plonge dans l’enthousiasme tenace de la révolte contre les injustices et ceux qui les provoquent. Face aux clichés médiatiques qui disqualifient l’activisme militant, Il faudra faire avec nous restitue la générosité et la spontanéité de celles et ceux qui désirent tout à la fois bousculer l’ordre social et constituer des collectifs solides et audacieux.
Extraits :
« Nous ne sommes que deux, il surveille mes arrières, je n’ai pas retenu son prénom, c’est mieux comme ça. Les lames du coupe-boulon s’enfoncent dans le caoutchouc avec une facilité encourageante. Il y a cinq pistolets par numéro de pompe, il y a dix numéros, j’ai calculé, je suis ici pour au moins huit minutes sa mère. Le foulard ne tient pas, je n’ai pas le temps de l’ajuster, je compte sur la visière de la casquette et la tête penchée. C’est long huit minutes quand un truc en toi te dit de fuir dès la première seconde. Mes oreilles sont dressées, s’il siffle je décampe vers la déchetterie, un vélo m’attend de l’autre côté. »
« Il y a un petit chantier en bord de voie et Gabin commence à le déménager. On empile joyeusement sur les rails les barrières rouges et blanches à grands bruits et à grands renforts de doigts d’honneur et de mots doux. L’outrage à agent, ça les excite vachement, ils y voient tout de suite le petit billet, l’argent de poche facile d’accès, le racket par la loi encadré. Et comme ils ont l’air d’hésiter, je prends une pierre et commence à défoncer un feu tricolore en choisissant l’orange, le truc du milieu, le tiédasse. Là ils sont un peu obligés de bouger leurs derches, les spectateurs sont nombreux à la station de tram et le spectacle c’est moi. »